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# Il n'y a pas d'art numérique ## édition 2025 - MiK #1 19 février 2025 - KunsTTurm ∏node Mulhouse ![Illustration de ce padcast](https://pad.public.cat/uploads/38522cde-6107-41c4-b661-323f974fdb43.png) :::info **[Écouter le podcast](https://hackstub.eu/nextcloud/s/myDN79WRZ3R2Ap3)** ::: L'art joue un rôle clé au sein du techno-féodalisme, dont la chute se fait de plus en plus urgente à mesure que se réalise son potentiel fasciste sur toute la planète. Quelle aliénation les plateformes commerciales et les institutions culturelles imposent à nos pratiques artistiques, voire à la valeur même de nos créations ? Quels moyens les artistes peuvent-ielles aujourd'hui mobiliser pour s'émanciper des "industries créatives et culturelles" toujours plus cruelles, abrutissantes et précarisantes ? Quelles conditions empêchent ou favorisent l'émergence d'une avant-garde artistique badasse, libre et révolutionnaire pour construire le modèle de société de nos rêves ? Ada LaNerd et Valérie Perrin tentent de répondre à toutes ces questions dans ce premier numéro des Mercredis informels de la KunschTTurm. ## Préface de cette édition La première édition de cette conf et du zine qui en est issu date d'avril 2023, alors que l'omniprésence du thème de l'IA n'était pas encore un fait et alors que l'élection de Trump était encore loin d'être évidente. L'essentiel de mon propos reposait sur des principes théoriques déjà pas mal corroborés par la réalité matérielle mais que l'actualité récente n'a fait que confirmer de manière franchement caricaturale. Il y a 2 ans, j'étais au SMIC hôtelier et je me définissais comme plus prolétaire indisciplinée qu'artiste transdisciplinaire. En effet, l'absence de capital financier m'oblige toujours généralement à employer ma force de travail pour survivre, dont la plus-value était en l'occurence bel et bien captée par des bourgeois, propriétaires de mes moyens de production. Malgré un unique bac comme diplôme, il était pourtant déjà clair que mes capitaux sociaux, culturels et symboliques me permettaient de bénéficier de privilèges matériels, dont cette invitation ici est encore un des produits. De fait, entretemps, j'ai été débauchée de mon hôtel de luxe par l'ASBL belge des petites singularités, via un statut d'entrepreneure-salariée dans une coopérative basée à Strasbourg. Ce statut me permet de facturer mes services en mode freelance tout en bénéficiant des avantages du salariat. Je paye donc des cotisations sociales et je pourrais bénéficier des droits qui vont avec. Si je précise tout ça, c'est non seulement pour situer mon propos et ma position sociale dans les dynamiques qu'on va notamment esssayer d'analyser dans cette discussion, mais aussi parce que je crois que cette condition est franchement souhaitable à tout le monde. Même si en apparence, notre sujet du soir est celui de l'art, vous aurez compris que je propose de l'aborder dans une démarche de critique sociale plutôt que de recherche esthétique ou de critique artistique. J'y citerai des artistes dont le travail me questionne ou me touche sur ces enjeux et dont les conditions de production me semblent particulièrement pertinentes pour éclairer ces enjeux. Je ne préciserai jamais assez qu'il ne s'agît pas de prétendre à une quelconque pureté militante sous la forme de propagande libriste ou syndicaliste révolutionnaire. Je considère au contraire que, par construction, l'infrastructure numérique et la logistique commerciale font de nous des sujets de l'économie capitaliste quoi que l'on fasse. Seulement, je considère qu'il y a des gradations à tout ça et qu'on peut aspirer collectivement à une émancipation de ce mode de domination. Or, cette émancipation ne pourra advenir que par une mobilisation de l'ensemble des corps de métiers qui constituent notre société. Considérant que les cultures sont codépendantes des modèles économiques, et que les artistes en sont quelque part les clés de voute, trop souvent ignorés voire méprisés par les ingénieurs. Or, si les ingénieurs sont capables de penser et développer des chefs-d'œuvre techniques, ces édifices et modèles ne seront voués qu'à rester au mieux de prodigieux schémas plutôt qu'à édifier de nouveaux canons désirables par l'ensemble de la population. Je propose donc ici de décrire une complicité idéale entre des avant-gardes qui ont chacune leur technicité propre dans les espaces numériques : que ce soit par leur usage, leur conception ou leur entretien, les infrastructures technologiques sont une responsabilité de toustes. C'est donc pour cela que j'ai envie que l'on contribue à penser ensemble ni plus ni moins qu'un mouvement révolutionnaire, qui requiert une culture populaire dont il tient à nous d'assembler des symboles et principes fondamentaux. C'est sans doute ambitieux, sinon prétentieux, mais je crois qu'on en a toustes suffisamment ras-le-cul de nous voir de plus en plus déposséder par les capitalistes/fascistes de ce qui constitue le socle commun de nos civilisations. On est d'accord ? Alors c'est parti. ## Il n'y a pas d'art numérique Avant de savoir qu'il était lui-même une référence à Lacan (les psychanalystes ironiseront sur le caractère inconscient de choix), ce titre était surtout une référence à un documentaire sur l'industrie du porno de Raphaël Siboni, "il n'y a pas de rapport sexuel". Le porno qui y était dévoilé, celui du producteur HPG, me semblait être une parfaite analogie pour résumer l’un des enjeux de cette conférence : comment, en partant de pulsions, l'industrie exploite voire humilie des humains pour en tirer une rente. ### Définitions Pour commencer, on se doit forcément de définir un peu nos termes. C'est forcément un peu casse-gueule, mais prenons le risque de simplifier un peu pour élaborer notre raisonnement. #### Art Je considèrerai ici l'art en tant que pratique technique et sociale, un processus composé d'étapes fondamentales. La définition que je propose de ces étapes est à prendre dans leur sens le plus abstrait afin d'y inclure les formes d'art les moins "matérielles" comme la poésie. Globalement, le processus artistique se décompose ainsi : – *geste* : recherche puis expression d'une intention, d'une idée, de représentations en une œuvre. Le geste peut également être collectif, ce qui suppose des moyens d'organisation. – *médium* : support d'un ouvrage par addition, modelage ou soustraction de matière. – *monstration* : exposition d'une œuvre dans un espace-temps situé et codifié. – *réception, interaction* : effet, sens, émotions, ressentis et retours subjectifs face à une œuvre - interprétation libre d'un geste libre. En tant que tel, le processus artistique n'est évidemment pas hors-sol, il est au contraire traversé par les conditions de son émergence, celle de la société dans laquelle il a lieu. #### Numérique Littéralement, le "numérique" désigne avant tout des données : transcription de signes humains en code machine, sous forme de nombres binaires. L'informatique permet le traitement électronique de ces données et leur mise en réseau. Parler seulement de "numérique" réduit l'informatique à son produit. Le numérique est une matière traitée par un système, lui-même étant une construction sociale, en l'occurrence : une infrastructure capitaliste, coloniale, sexiste [^haraway]... [^haraway]:Donna Haraway, Manifeste Cyborg #### Art numérique Par simple combinaison de termes (ce qui est sûrement réducteur), on peut définir l'art numérique par l'usage de l'informatique pour accomplir l'ensemble des étapes du processus artistique. L'informatique en tant que médium, ou plutôt en tant que média, au sens pluriel de medium. L'informatique étant elle-même le produit industriel d'un ensemble de techniques, de supports, l'art numérique suppose autant d'intermédiaires entre le geste et la matière, entre la matière et sa réception : accessoires, câbles, circuits imprimés, processeurs, logiciels... Autant d'intermédiaires qui font de l'art numérique un art essentiellement multimédia, même pour la simple poésie textuelle. Je confonds donc art numérique et art multimédia. ### « Industries créatives et culturelles » Ces définitions me permettent donc d'intriquer la notion d'art numérique dans celle d'« industrie créative et culturelle ». Derrière cette expression peu appétissante et a priori un peu décalée de l'idée de l'art au sens le plus « noble » et libre, se trouve en fait une certaine part de réalité, quelle que soit l'intention initiale de l'artiste, surtout de nos jours. Puisque plus que tout autre art, du fait de sa complexité technologique, l'art numérique est un produit industriel. #### Société du spectacle 2 : *reloaded* En 1967, Guy Debord montrait dans La Société du Spectacle comment le capitalisme s’emparait de l’intégralité des aspects de nos vies. Il y ouvrait son propos par le détournement de la phrase introductive du Capital de Marx : « Toute la vie des sociétés dans lesquelles règnent les conditions modernes de production s'annonce comme une immense accumulation de ~~marchandises~~ *spectacles*. » Il y conçoit, à l’époque où la télévision était encore en noir & blanc, le spectacle comme mode de production-reproduction de marchandises : la société de consommation. Il le présente aussi comme « un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images » où « le vrai est un moment du faux ». 55 ans plus tard, difficile de ne pas penser à certains médias sociaux ou à des IA génératives en relisant cela. Aujourd’hui, à notre tour, nous pourrions remplacer le terme de spectacle par celui plus évident de publicité. En effet, la reproduction numérique a remplacé la reproduction mécanique : plus besoin de chaînes de fabrication ni de travailleur’euse pour reproduire une œuvre et la diffuser ; l’œuvre est séparée de saon créateur’ice par ellui-même dans le cloud, agglomérée dans le Big Data. Une fois le prototype ou le résultat final publié sur un service en ligne, sa reproduction/diffusion ne coûte plus au capitaliste que les frais d’entretien d’une infrastructure sous-traitée. Des multinationales peuvent donc proposer « gratuitement » des espaces de stockage et de partage des fichiers, largement rentabilisés par la vente d’espaces de publicité parmi l’ensemble des créations publiées et valorisées par l’apprentissage des modèles génératifs (dits « IA »). Dans la Zone d’Activités et de Commerces mondiale que représente Internet, même les mentions « sponsorisé » ou « suggéré » ne permettent plus de distinguer une création personnelle d’une publicité commerciale puisque les individus mis eux mêmes en concurrence doivent désormais faire leur propre publicité pour espérer (sur)vivre. ![Aram Bartholl, Speed Show: Face the Face](https://hackstub.eu/nextcloud/apps/files_sharing/publicpreview/kFDdqAkTCbsraoG?file=/&fileId=13889&x=1600&y=900&a=true&etag=c7c33562622061c04ed2a4aaab39bd07) > Le cybercafé comme musée numérique : c’est ce que propose l’artiste Aram Bartholl dans l’installation collaborative Speed Show: Face the Face. Il invite les artistes numériques qui le souhaitent à y exposer des œuvres en ligne et les curateur’ice’s à se saisir du dispositif à leur tour. La forme du cybercafé illustre l’aspect commercial du net et de l’informatique malgré une intention de liberté artistique radicale. CC BY-NC-SA Aram Bartholl, 2019 Artiste ou non, on est encouragé à faire preuve de publicité numérique pour répondre à l’ensemble de ses besoins et désirs : communiquer avec son entourage, travailler, se divertir, payer sa nourriture… à chaque tâche ses (méta)données transmises, plus ou moins volontairement. Autant de données systématiquement analysées, recoupées, agglomérées dans des flux mondiaux pour maximiser des profits privés et entraîner des algorithmes de machine learning (apprentissage automatique des « IA »). #### Aliénation de l’art, du geste à la réception À toutes les étapes du processus artistique, l'artiste dépend d'un ensemble de produits et de services industriels pour sa production. Quand j'ai demandé à des étudiant'e's artistes de me citer des exemples d'outils de création, une bonne dizaine de logiciels sont sortis. Mais la photographie argentique a aussi été citée, car également prise dans le même type de dépendances à une industrie : pellicule, appareils, papier, etc. Le format est une contrainte omniprésente dans le numérique : du format de fichier jusqu’à l’interaction, en passant évidemment par la monstration. Cette problématique est particulièrement saisissante sur Instagram, qui est pourtant considéré aujourd'hui comme une plateforme obligatoire pour montrer son travail en tant qu'artiste. Instagram est aussi un bon endroit pour parler la notion de canon, qui traverse l'histoire de l'art en tant que repère esthétique. Les codes étaient jusqu’à récemment édifiés par des institutions artistiques publiques ou privées, déjà influencées idéologiquement ou commercialement. Sur Instagram, ils sont désormais produits par des algorithmes probabilistes pour optimiser les résultats, dans une pure démarche marketing. Les plateformes numériques capitalistes détiennent aujourd’hui un pouvoir d’édification de canons par apprentissage automatisé, pour ne pas dire intelligence artificiellle (IA). Dernière étape de l’expérience artistique, la réception y est là-encore aliénée par l’industrie : les ressentis et interactions suscitées par une œuvre sont quantifiées (réactions emojis) pour contribuer au mécanisme de classement. L’algorithme de monstration (timeline) programme l’exposition des différents contenus selon les spectateur’ice’s afin de maximiser le temps passé sur l’application en favorisant un équilibre émotionnel, à grands renforts de neuropsychologues. [Image manquante faute de cession de droits © Celin Jiang - Meta] > Le projet My Best Emotions, Hard Discount of (#Self) Love de Bisou Magique 茜茜 est une hyperbole matérialisée de la marchandisation des affects et la diversité des identités dans l'espace numérique, en l'occurence sous la forme de stories (images verticales où des auto-portraits se superposent à des artifices numériques et des messages de médiation textuelle du projet). La question des émotions réellement ressenties sur Instagram se pose au-delà des réactions proposées par l’interface. Les réponses du public à cette question illustrent l’aliénation émotionnelle de l’expérience artistique induite par le média lui-même. Des personnes dans la salle citent : le stress, la frustration, la jalousie, la flemme, la pression, la concurrence… Une expérience psychologique cohérente avec la réalité des injonctions, malgré les efforts pour dissimuler les objectifs réels : maximiser la productivité du système et la consommation des client-e-s pour plus de rentabilité. ![Photo de l'installation Sugar Walls Teardom](https://tohumagazine.com/sites/default/files/18%2C%20Tabita%20Rezaire%2CSugar%20Walls%20Teardom%20installation%20view%2C%202016%2CInstallation%20with%20HD%20video%2C21min30s%2CEdition%20of%203.jpg) > Avec Sugar Walls Teardom, l’artiste-plasticienne et performeuse Tabita Rézaire nous invite à une séance de méditation en hommage aux femmes esclavagisées qu’un chirurgien a torturé sexuellement en guise de « recherches ». En proposant à l’au spectateur’ice de s’installer sur un fauteuil gynécologique pour visionner une vidéo, l’installation permet une « incorporation » (embodiement) de l’histoire des violences médicales racistes et sexistes, ainsi que l’hypocrisie des « sciences du soin » qui utilisent la contention et la manipulation pour contrôler les corps. CC-BY-NC Tohu Magazine #### De l’outil au service Une réplique courante face aux critiques des plateformes capitalistes est de dire « c’est vrai que c’est nul mais il faut le voir comme un outil ». Or cette phrase illustre avant tout une confusion entre des termes fondamentalement distincts. Un *outil* se possède, se manipule en toute liberté : un marteau peut être utilisé pour enfoncer ou retirer un clou, décapsuler une bouteille, briser une vitre, frapper quelqu’un, être réparé ou modifié, être, donné ou revendu, mutualisé, prêté ou loué… Ce qui revient en l'occurence à proposer un *service*, selon des propres modalités définies plus ou moins explicitement. Un service est donc un outil mis-à-disposition sous condition de son propriétaire. Les services en ligne commerciaux nécessitent d'ailleurs d’accepter leurs conditions d’utilisations. Ce contrat précise notamment tout ce qui est susceptible d’interrompre le service : non-respect des règles d’utilisation, dysfonctionnement technique, décision unilatérale, absence ou retard de paiement… Il stipule aussi les modalités d’utilisation des contenus publiés, sous la forme d'une *licence* accordée à ses créations, souvent non-exclusive mais autorisant bien souvent l'utilisation par les plateformes à des fins parfois totalement insoupçonnées ! C'est ainsi que des parents ont pu découvrir avec effroi qu'une photo de leur enfant était placardée en 4x3 dans toute la ville en Californie il me semble [ref nécessaire ^^]. Les ordinateurs en eux-même peuvent a priori être utilisés librement. À l’usage d’un ordinateur, on réalise souvent que la réalité est plus complexe : on se retrouve parfois dans l’impossibilité d’en utiliser un obsolète, faute de mise-à-jour disponible ; on ne peut pas le réparer sans passer par le fabricant ; le modifier ou le réparer soi-même rompt la garantie… Les logiciels commerciaux (dits propriétaires du fait de leur licence exclusive) de création et d’édition de documents, d’images ou de son pourraient éventuellement être considérés comme des outils si une fois installés, toutes leurs fonctionnalités peuvent être utilisées sans limite. Or, du fait de l’exclusivité de certains formats de fichiers, il rendent cependant souvent les créations captives du logiciel en question : on ne peut alors pas changer de logiciel pour poursuivre un ouvrage commencé sur le précédent. Un-e artiste peintre serait scandalisé de ne pas pouvoir changer de marque de pinceau pour continuer une toile… Depuis les années 2010, de plus en plus de logiciels adoptent le modèle du *Software as a Service* (SaaS), sous la forme d’applications natives ou web : en lieu et place de l’achat unique d’une licence pour utiliser un logiciel à volonté, une souscription mensuelle est requise afin de bénéficier de toutes les fonctionnalités ou de sauvegarder ses fichiers dans le cloud. En l’absence de paiement, certaines fonctionnalités sont désactivées et empêchent ainsi de continuer à travailler sur son propre contenu. L’industrie informatique a ainsi transformé les artistes en usagers dépendants de services commerciaux, les dépossédant de droits pourtant fondamentaux à toute pratique artistique libre, tout en exploitant leur travail pour élever des IA. La compétition, l’injonction à la surproductivité par la précarisation des artistes nous maintiennent captif’ves de la domination capitaliste. De fait, de nombreuses créations numériques ne sont aujourd’hui accessibles que sur Instagram. Il arrive aussi que, faute de paiement d’un abonnement payant à des services en ligne, tout un site web disparaisse du jour au lendemain. Si l'art consiste à produire des actifs financiers sous la forme d'artefacts culturels, alors oui, il y a de l'art numérique et même beaucoup. Une culture se définissant par l’ensemble de ce qui est partagé par un groupe d’individus, nos cultures se cristallisent progressivement en plateformes, à mesure que nos données y sont collectées et ingérées. #### Propriété intellectuelle La facilité de duplication et de transmission des données a toutefois préoccupé les capitalistes pour qui la rareté définit la valeur d’une marchandise. En réponse, les *Non Fungible Tokens* (NFT) ont profité de la technologie de la blockchain (initialement surtout développée pour les cryptomonnaies) pour virtualiser la fonction des notaires et simuler des certificats d’authenticité. Sans aucune valeur juridique ni efficacité réelle (les fichiers en tant que tels restent duplicables à volonté), cette escroquerie a de fait duré aussi longtemps que la mode des handspinners. ![Image "distante" faute de droits de reproduction](https://assets.zyrosite.com/cdn-cgi/image/format=auto/ALpnkqPgbaf7K6Ra/capture3-AQEyN9KoLpf2ena3.png) > Dans la performance L’opportunité du siècle!? 4 manières d’investir dans les métavers!! Pour devenir millionnaire!!, les artistes-chercheureuses Loréna Lisembard et Hortense Boulais-Ifrène proposent une déambulation dans des cyberespaces ou métavers désertés par les utilisateur-ice-s où seuls subsistent des promesses d’« avenir » et de prosperité. © Loréna Lisembard, Hortense Boulais-Ifrène, 2022 Bien que matériellement inopérantes, les NFT répondent à une obsession pour la *propriété privée exclusive* : la volonté d’être unique propriétaire d’une œuvre, d’un ouvrage, d’un terrain. Ce droit à la propriété privée est un socle essentiel du capitalisme. Il permet d’accumuler des biens et de les exploiter pour en tirer profit. Elles s’est d’abord limité aux territoires et biens matériels, aux humains (esclavage) et animaux (élevage), depuis son apparition pendant la préhistoire. Avec l’avènement de l’imprimerie au XVIIème siècle, la France et le Royaume-Uni ont créé les premières législations concernant le *droit d’auteur*. Premier élément de ce qui est aujourd’hui la propriété intellectuelle avec le *droit des brevets*, le *droit des marques*, le *droit des dessins* et le *droit moral*. Ce dernier est a priori le seul dont l'auteurice ne peut être dépossédé'e. Contrairement à ce que leur nom insinue, le droit d’auteur n’a pas été créé par des auteurs mais par des éditeurs pour faire valoir un droit de reproduction d’une œuvre. Par un contrat de cession de droits, l’artiste peut renoncer à toute ou partie de ses droits au profit des éditeurs ou autre tierce-partie. Ce régime a accompagné l’histoire de l’industrialisation de l’art en Occident, permettant la constitution d’entreprises capitalistes de plus en plus puissantes qui tirent profit de la rente tirée des œuvres à succès. Aujourd’hui, la multiplication exponentielle des capacités génératives des IA prouve bien que ces « droits » n’empêchent en rien l’industrie d’exploiter la créativité des artistes pour automatiser leur travail. #### L’art numérique au service du capitalisme Avec les outils devenus services et le régime de la propriété intellectuelle, cette prédation de la création artistique par le capitalisme s’est renforcée au fil de l’évolution des technologies numériques. La publicité des œuvres sur internet selon des conditions imposées et l’exploitation de leur réception font des artistes des producteur’ice’s de contenus dans leur usine à données, ingérés en masse par les IA génératives. Aujourd’hui, les principales compagnies informatiques sont les premières capitalisations financières au monde, avant celles de l’industrie énergétique. Du point de vue des capitalistes, le contrôle des données numérique est donc aujourd’hui plus précieux et rentable que celui du pétrole. Cette valeur accordée au contrôle des données numériques découle directement du pouvoir qu’il représente. La valeur boursière de ces compagnies a augmenté au même rythme que l’informatisation du monde : il semble aujourd’hui impensable pour une ville de se couper instantanément de toute connexion internet sans entraîner de dysfonctionnement majeur. De fait, les États sont devenus dépendants des compagnies numériques, bien que théoriquement en charge de leur régulation. Ce pouvoir ne suffit pas pour autant à satisfaire l’appétit du capitalisme, si bien que plusieurs patrons d’empires informatiques (Jeff Bezos, Elon Musk…) et bon nombre d’investisseurs se revendiquent de l’idéologie libertarienne. Ce courant de pensée prétendument issu de l’anarchisme vise à la disparition des États pour mettre fin aux lois et impôts qui « limitent » les droits d’entreprise et de propriété privée : droits du travail, du commerce et de la concurrence, des successions… L’utilisation des services capitalistes est donc une soumission à un ordre politique qui vise ultimement à privatiser l’intégralité de la société. En tant qu’artiste, toute œuvre publiée sur une plateforme capitaliste est aussi une forme de publicité pour le système lui-même en ce qu’elles encouragent les spectateur’ice’s à le rejoindre ou à y rester pour y avoir accès. > « Forme et contenu du spectacle sont identiquement la justification totale des conditions et des fins du système existant » Guy Debord, *La Société du Spectacle* **Forme et contenu de la publicité sont identiquement la justification totale des conditions et des fins du système existant.** ![](https://hackstub.eu/nextcloud/apps/files_sharing/publicpreview/QgyJpP5RptTE5ZG?file=/&fileId=13892&x=1920&y=1080&a=true&etag=3f01b2e3d4cf76ad6d21c47c884e4d3b) > Une photo partagée sur Mastodon par un compte anarchiste montrant un livreur de nourriture en fauteuil roulant. #### Émancipation, changer de logiciel #### L'artiste dans la lutte des classes Dans la société marchande et d’un point de vue matérialiste, la création artistique est un travail, qui peut situer l'artiste sur le plan de la classe entre prolétaire (travailleur’euse sans autre mode de subsistance que sa force de travail), petit-bourgeois (entrepreneur’euse, propriétaire de son outil de travail et à minima du droit moral sur ses œuvres) ou bourgeois (employeur’euse propriétaire d'outils de production et de propriété intellectuelle). Dans la lutte des classes, la principale force des prolétaires pour s’émanciper de la domination bourgeoise réside dans leur capacité d’organisation pour prendre le contrôle des outils de travail, légalement ou non (grève, blocage, occupation, sabotage, vol/expropriation, coopération…). La classe petite-bourgeoise est matériellement plus proche du prolétariat du fait de la précarité de sa situation, mais, sauf conscience de classe, ses aspirations visent à rejoindre la bourgeoisie. Enfin, la bourgeoisie domine l’ensemble par la propriété du capital. À ce sujet, l'article [Is There an Art of the Working Class](https://networkcultures.org/ourcreativereset/2025/01/16/is-there-an-art-of-the-working-class/) de Sepp Eckenhaussen de l'Institute of Network Cultures revient assez précisément sur les différentes notions élaborées ces dernières décennies pour préciser la composition de classes internes à la simple catégorie d'artiste ou même des "travaillaires de l'art" (art worker) : précariat, projetariat, entreprecariat, cybertariat, cognitariat... > For instance, in the book Art Work, Katja Praznik argues that the use of the term ‘art worker’ inherently implies a socialist understanding of art as a commonly available public good, which is, by definition, opposed to the capitalist notion of the ‘work of art’ as an exclusive commodity. Van den Bos, too, gives ‘art worker’ the benefit of the doubt, arguing that it can engender a sense of broader solidarity among precarious workers, and prompt conversations about how class ‘dictates who can and cannot afford to make, write about or curate art and therefore what kind of class interests and perspectives are furthered in the art world.’ The question, in short, is not one of ‘correct identification’, but of revamping the historically productive analytical notion of class for the more complex reality of artistic production in post-neoliberal capitalism, which could, in turn, empower an organization of art production in opposition to ‘the class-based selection process before the first invoice’. Concrètement, les artistes numériques dont la survie dépend de commandes publiques ou privées, de subventions ou mécénat sont des prolétaires exploités par les patrons d’industrie, notamment numérique par le contrôle des outils et systèmes, et les commanditaires publics pour reproduire le système existant (la société du spectacle). Avoir conscience de faire partie de cette classe est la première étape d’une émancipation révolutionnaire globale visant à mettre fin à l’exploitation de l’intégralité de la planète pour le profit d’une seule classe. > Let’s return to *Arts of the Working Class* for a second. They have a serious political commitment, with a serious material practice to back it up. If things were so simple, why do they feel the need to retreat in irony when defining ‘working class’? And why are art workers in general so confused about their class position, so badly organized? Is this not the classic issue of the ‘little person’: producing in an extractive system that they struggle to understand, let alone control? These complexities tell me that we need complex class composition analysis, gleaning from different texts and experiences, and speculating together. The point is not to find a correct terminology (language), or to engage in edgy cosplay (identity), but to formulate an effective class analysis that is true to our time (praxis). The inconvenient truth we can learn from Benjamin’s 100-years-old essay, is that art of the working class can only be defined in relation to our historical and material circumstances. The work never ends, not even in Marxism. ### Pratiques d’arts numériques émancipatrices Une pratique déjà populaire d’émancipation de l’art numérique consiste à pirater/cracker les logiciels de création capitalistes. Lors de la conférence, à la question « qui n’a jamais cracké de logiciel ? », 3 mains sur 30 se sont levées et une personne a répondu qu’elle n’avait pas réussi. En reposant la question « qui n’a jamais cracké ou fait cracker de logiciel ? », plus aucune main ne s’est levée. Je considère cette pratique comme émancipatrice malgré toutes ses limites, une mesure minimale de justice sociale. D’autres problématiques subsistent avec les logiciels même crackés : formats de fichiers spécifiques (ou propriétaires), difficulté de mise-à-jour malgré des incompatibilités entre versions, illégalité… Et cela ne doit pas empêcher de donner de l’argent aux travailleur-euse-s indépendant-e-s si l’on bénéficie de leur travail. Afin d’éviter l’accaparement des créations par de riches entreprises et à l’encontre d’un droit de propriété intellectuelle très restrictif par défaut dans la plupart des régions du monde, d’ingénieu-ses-x juristes anticapitalistes ont écrit des licences libres dont les termes annulent les principes fondamentaux du droit d’auteur. Plus confidentiels auprès du « grand public » que les logiciels commerciaux, les logiciels libres permettent un retour à la notion d’outil : leurs licences garantissent les libertés d’usage, d’étude, de modification et de partage. Les logiciels libres prévus pour être installés sur des serveurs permettent de les mettre à disposition en tant que services collectifs, autogérés, coopératifs, ouverts, libres ou solidaires (cf. https://chatons.org). Conçus en coopération, ils représentent une possibilité d’occupation libre d’un appareil productif/créatif lui-même captif de l’industrie (Windows, OS X). Il est même possible d’installer séparément voire remplacer l’intégralité de son système d’exploitation par une système libre tel que Linux (Linux Mint, Nitrux). Pour permettre une réutilisation libre de son propre travail par d’autres artistes, dans une logique de culture populaire, il est possible de publier ses œuvres sous licence libre. Il en existe de nombreuses, avec certaines spécificités : • les licences libres *copyleft* (licences Art Libre, Creative Commons BY-SA) obligent les œuvres dérivées d'être elles-mêmes publiées sous une licence compatible avce l'œuvre originale et de créditer les auteur-ice-s initialeaux ; • les licences de *libre diffusion* (CC BY-ND, BY-NC, BY-NC-SA, BY-NC-ND) permettent une diffusion libre mais interdisent certains usages ou modification ; • les licences libres *non-copyleft* (CC0) permettent tout réemploi sans aucune condition ; Certaines de ces licences n’empêchent pas l’utilisation commerciale de l’œuvre en question et donc une forme d’exploitation capitaliste, d’où l’existence des licences Creative Commons Non-Commercial (CC BY-NC, BY-NC-SA, BY-NC-ND). Cela dit, même le copyright strict n’empêche pas l’inspiration (dont automatisée) ni même le plagiat. Le droit n’empêche rien, mais permet, au mieux, de se défendre. Ces licences représentent en tous cas des possibilités de création émancipée des logiques d’appropriation exclusive des idées. Au contraire, elles favorisent une culture des communs valorisant le travail plutôt que l’accumulation et le marché : payer pour le concert d’un groupe dont on a piraté les albums est de toute façon bien plus rémunérateur pour l’artiste que de les streamer 50 fois. ![Capture d'écran du site web Plage Blanche](https://hackstub.eu/nextcloud/apps/files_sharing/publicpreview/cXrZtWoFQXim3BS?file=/&fileId=13888&x=1920&y=1080&a=true&etag=2394e1bf7b4a170d316217941b82c457) > Sur le site web Plage Blanche, l’artiste-plasticienne Marine Froeliger et la designer graphique Marjorie Ober proposent à toutes les personnes qui le souhaitent de publier une création sonore courte sous licence libre CC BY-SA. Dépourvue de toute autre approche commerciale et publiée elle-même en tant que logiciel libre, cette « plateforme » est un espace de monstration libre et gratuit, dont les contraintes techniques de format ont été exclusivement décidées par des artistes. L’interprétation dans l’espace physique de **performances lives** est une forme d’émancipation technologique de par sa quasi-immédiateté entre l’intention et l’interaction par le public, par sa vulnérabilité à l’imprévu et à la prééminence du corps sur les machines. Les pratiques de **hacking** au sens de détournement ou bidouille peuvent s’appliquer à tout objet, numérique ou non : utiliser des déchets comme matière créative voire instrument, outil ou support ; intervention sur des sites ou plateformes existantes ; récupération sauvage (scrapping) de données en ligne afin de les archiver… ![](https://hackstub.eu/nextcloud/apps/files_sharing/publicpreview/g4fFyqpqTGA5rGF?file=/&fileId=13894&x=1920&y=1080&a=true&etag=532f431361762bceb94e0614ef53f1fe) > Sous le pseudo Papirové Houby, l’artiste Cécile Fleur Dabo se produit en concerts de musique concrète sous la forme de performance de livecoding, où se mêlent des enregistrement de bruits et de voix sur les thèmes du bois, du métal, de l’eau et de la planète. La projection vidéo de l’écran de l’artiste est un code esthétique propre à la scène livecoding cyberpunk. Sur le sien, on peut visualiser les formes d’ondes produites par le logiciel. La publication sur des **sites web DIY** (small web, cybercabanes, moteurs de sites statiques ou gestionnaires de contenus libres) permet de définir soi-même ou en collectif les conditions de monstration de ses propres œuvres. La présence sur les **réseaux sociaux libres** fédérés (Mastodon, PeerTube, PixelFed…) permet la rencontre avec d’autres personnes partageant une même praxis, une pensée ou des pratiques communes. Certains outils et ressources facilitent la migration vers ces réseaux, pour acquérir les codes culturels propres à ces réseaux. Autant de **savoir-faire autonomes** à partager pour contribuer à reconstruire une culture populaire affranchie de la domination capitaliste. Combinaisons d’intentions, d’outils, de supports, d’espaces et d’interactions avec le public : d’innombrables possibilités d’art numérique émancipé voire émancipateur restent encore à créer. ![](https://hackstub.eu/nextcloud/apps/files_sharing/publicpreview/TFGPQawojDrXEnG?file=/&fileId=13891&x=1920&y=1080&a=true&etag=8adc4a3e505a0cb4e2a870eb58c4619f) > Le site du collectif de radio pirate ∏-Node est aussi un outil en soi avec son mixeur de flux live et un chat pour s’organiser. #### Contraintes de l’émancipation La question est posée au public : « quelles limites vous éloignent des alternatives libres ? » Les défauts de performance ou de design d’interfaces, de difficulté d’accès, de manque de visibilité/communication ont été cités. Malgré de gros efforts et améliorations ces dernières années, certaines de ces difficultés restent d’actualité. La contrainte étant partie prenante de tout processus créatif, il est important de noter que toutes ces difficultés peuvent aussi être perçues comme stimulantes, résolvables grâce à un peu d’ingéniosité, et favorisent l’entraide, la contribution au sein des communautés, notamment dans les **hackerspaces**. On peut aussi regretter le manque de popularité par rapport aux plateformes hégémoniques, mais se réjouir de rencontrer des communautés qui y sont très actives, engagées et enthousiastes. En acquérant une culture libre, on découvre toujours plus de choses, y compris l’ampleur des problématiques politiques suscitées par le numérique. Même s’il n’est pas forcément souhaitable pas de créer des alternatives libres à toutes les plateformes capitalistes, il reste beaucoup de chantiers auxquels contribuer pour disposer de substituts viables. Et quels que soient les logiciels et les tactiques que l’on peut mettre en place, l’infrastructure d’internet elle-même reste possédée par des multinationales indésirables, ce qui laisse place à beaucoup d’imagination pour envisager une organisation nécessaire à sa reprise de contrôle complète. Alors, il reste la possibilité de se préparer à sa chute pour s’en sortir le mieux possible, c’est-à-dire apprendre à fonctionner sans leurs services : **entraîner notre intelligence collective plutôt que leur intelligence artificielle**. #### Les artistes dans la lutte des classes Penser le statut des artistes parmi le prolétariat : l'analyse de classe telle que notamment citée plus tôt permet de resituer l'artiste parmi les travaillaires et d'envisager des luttes au-delà des simples artistes, pour un nouveau système social commun, en solidarité voire en complicité, dans la dissidence, avec les sans-papiers notamment confronté à une forme encore plus prédatrice de l'entreprécariat. Je pense notamment à Fatima Ouassak et sa proposition dans Pour une Écologie Pirate de repenser les politiques publiques par le prisme de la liberté de circulation et d'installation, en prenant l'exemple de la sécurité sociale de l'alimentation. Nous avons besoin de syndicats, d'organisations transcorporatiste, pour se penser ensemble comme société. ### Alors, art numérique ou pas art numérique ? À la veille du Chthulucène, l’ère des monstres, l'informatique de la domination représente selon Donna Haraway l'apogée du mythe des dialectiques humain-machine, nature-culture, humain-animal, femme-homme. Récuser ces dichotomies arbitraires est selon elle une pensée révolutionnaire : en considérant leur unicité, on pense aussi le numérique comme une extension d’un milieu de vie dans lequel nos existences cyborgs combattent la domination capitaliste, sexiste et raciste. ![](https://hackstub.eu/nextcloud/apps/files_sharing/publicpreview/2LGXZr6yN7iaqbE?file=/&fileId=13893&x=1920&y=1080&a=true&etag=4cffa3349032baf6a327259b5135f498) > L’installation WannaCry (Weeping Angels) de Aram Bartholl illustre la complicité de l’industrie publicitaire avec le complexe militaro-industriel pour servir des politiques sécuritaires et migratoires liberticides voire meurtrières. CC BY-NC-SA Aram Bartholl, 2017 Tout aussi paradoxal qu'il puisse être, l'art numérique possède un potentiel particulièrement puissant de création en tant que médium aussi total que le spectacle vivant. Mais en tant que potentielle combinaison voire simple prolongement technologique de tous les autres arts, il n'y a pas d'art numérique. L’émancipation technologique de l’art nécessite avant tout une confrontation à sa matérialité propre puis un effort pratique de réappropriation collective des conditions d’expression et de partage. C’est seulement ainsi que nous pourrons retrouver, au-delà de l’art, une agentivité et une liberté vivantes, par ou hors de ce qui restera peut-être l'ultime médium artistique de notre civilisation. ### Bonus > In November of 2023, the thirty year period of neoliberal government in the Netherlands came to its end. Parliamentary elections led to a landslide victory of the extreme right, populist ‘Freedom Party’ (led by Geert Wilders). Unlike previous surges of extreme right political momentum, this one was not subdued by a coalition of liberals and Third Way labour politicians or – like in 2011 – with a complex construction involving the populists in government while keeping them at arm’s length. Instead, the liberals and two Christian Democrat factions decided to ‘listen to the people’ and govern with the Freedom Party. > Like many others, I’ve been wondering how to deal with this new reality. What is art of the working class in a country where post-neoliberal populists govern over a crumbling welfare state? I don’t have any answers, but I often think about a statement by Matthijs De Bruijne, an artist I admire for his continuous dedication to the art of the working class, during a public gathering of art workers to discuss the election results: We have been making art for the elites for three decades. Now, we want to make art for the people again.